Les filles de Illighadad

Les Filles de Illighadad

Fatou Seidi Ghali & Alamnou Akrouni

 

Label : Sahel Sounds
Année : 2016

En face A, une session solo d’une des deux seules femmes touaregs guitaristes, Fatou Seidi Ghali, un enregistrement brut à tel point que l’artiste stoppe un morceau, glisse quelques mots ou rit avant d’en débuter un autre. Des chœurs s’immiscent, quelques percussions s’ajoutent, les criquets chantent en arrière plan leur vie diurne : Fatou Seidi Ghali n’est pas exactement seule sur ces cinq morceaux. Le désert du Niger est son studio à l’air libre. La musique est circulaire, vivante, le chant est doux comme la brise bouleversante qui s’élève parfois dans la fournaise.

En face B, Fatou Seidi Ghali est rejointe par sa cousine Alamnou Akrouni et ses amies d’Illighadad, pour le polyphonique et chamanique « Tende ». La nuit tombée, les femmes du village se rassemblent, le chant responsorial et le battement implacable des percussions résonnent dans l’obscurité aphone, vide du bourdonnement électrique, vide du bruit des grandes villes et des automobiles. Les circonvolutions du tende s’élancent alors dans le désert et convoquent les âmes errantes à se joindre à l’assemblée, à chanter jusqu’à ce que les voix se cassent, à taper la peau tendue des percussions, à battre des mains jusqu’à ce qu’elles soient endolories ; jusqu’à ce que la nuit se consume et finisse de disperser la foule vers le sommeil et l’apaisement de l’esprit.

En face d’une musique telle que celle que nous offrent les filles d’Ilighadad, le cœur vacille, inévitablement. Ces deux faces, comme siamoises, sans ambages, ne sont rien de moins que le blues absolu.

Chronique parue dans Paperhouse