Unknown Mortal Orchestra
Note : 7/10
Label : Fat Possum Records
Année : 2011
Écouter un disque pour la première fois relève, pertinemment ou non, d’une réappropriation du champ de notre mémoire auditive, dans un cercle infini de médiums et d’organes. La mélodie, le timbre de la voix, la production sont autant de réminiscences, de madeleines proustiennes nous ramenant vers des plaisirs d’écoute révolus. Il n’est surtout pas question de désuétude, mais plutôt de rétroactivité, à partir du moment où la récapitulation l’emporte sur la capitulation. Il y aura des retours, des circonvolutions, des assemblages, mais la musique, in fine et heureusement, n’expirera jamais.
À l’image de la pochette de leur premier album éponyme, la musique d’Unknown Mortal Orchestra s’affirme, narquoise, entre futurisme et passéisme. Il n’y a pas si longtemps que cela (en 2010 en fait), le groupe était découvert sur Bandcamp grâce au morceau « Ffunny Ffrends », titre ravageur bientôt repris sur de nombreux blogs. La tête pensante du groupe, Ruban Nielson, natif de Nouvelle-Zélande et installé à Portland, créait ses morceaux seul avant d’être rejoint par Jake Portrait à la basse et Julien Ehrich à la batterie. Voilà pour les présentations.
Tout au long du disque, la basse vrombit et la batterie, métronomique, marque très précisément des repères pour remettre dans le droit chemin des mélodies qui ne demandent qu’à bondir hors de l’asphalte. Pour reprendre les paroles de « Thought Ballune », Unknown Mortal Orchestra construit des îles dans le ciel : des terres aux accents pop, intoxiquées par des sonorités psychédéliques, voire par des ronces punks. Il y a des hommages fébriles et très nets aux Beatles, époque Revolver, par le son employé et le timbre de voix de Ruban Nielson sur certains morceaux. Autre résurgence : le fade-out (le fait de réduire graduellement au silence un enregistrement sonore), utilisé sur la plupart des morceaux de l’album. Cette technique, très cinématographique, nous renvoie aux origines de l’enregistrement, aux morceaux d’antan : ceux qui ne veulent pas en finir pour rester dans un coin du crâne toute la journée. La preuve par l’exemple avec « How Can You Love Me », morceau jouissif et expéditif à l’orchestration rudimentaire et très efficace. De même, « Thought Ballune » carbure au soufre des lignes de guitares et des choeurs enjoués.
Certes, quelques pistes de l’album tournent quelque peu en rond (« Bicycle », « Strangers Are Strange ») mais dans son ensemble, le disque reste bien inspiré, puisant sa source et sa force dans le passé pour le régurgiter sans trop d’idiotie ni de prétention, à l’image du dernier morceau du disque, « Boy Witch », belle ballade mise en abîme par les accents désuets d’un orchestre disloqué.
Chronique parue sur Goûte Mes Disques